Au cours de parutions à venir, nous allons retracer l'histoire de ces publications et vous faire (re?)découvrir une sélection d'articles d'époque.
Fanzine n°1 : Black & White
A partir du troisième numéro, l'équipe rédactionnelle s'agrandit avec l'arrivée d'Olivier, Eric, Philippe, Catherine, Magali et Franck. Le SFS sera également autorisé à suivre le groupe sur la tournée française de 85 afin de pouvoir vendre le fanzine à l'entrée des salles de concert. En mai 1985, le magazine Best (le concurrent direct de Rock & Folk à l'époque) consacre un article au SIS et mentionne l'existence du SFS et de Black & White. Eric et Olivier y sont interviewés sur leurs motivations et les difficultés à faire vivre le journal. Black & White s'arrête en 1986 et l'un de ses animateurs, Franck, reprend le flambeau avec le fanzine La Folie.
Interview de Jean-François Guyard, co-fondateur de Black & White et secrétaire du SFS
Pourquoi faire un fanzine sur les Stranglers ?
Qu’il s’agisse de Strangled ou de Black & White, qui eut finalement un authentique succès, la motivation a toujours été la même : parler d’un groupe véhiculant un message fort et des idées autrement plus évoluées que ce que la plupart des groupes chantent. A titre personnel, je ne vois pas ce qu’un texte sur l’amour change. Traduisez les textes de différents tubes des quarante dernières années et vous verrez/apprécierez que notre groupe « préféré » a d’emblée adopté une autre attitude. Les Stranglers permettaient, à l’époque, de s’instruire tout en entendant de la bonne musique. S’instruire ne signifie cependant pas qu’il faut tout avaler. Un groupe avec des idées fortes mérite une officine expliquant, renseignant les auditeurs dont nous faisions tous partie d’ailleurs. Ce qui finalement n’empêche pas quelques exutoires ou bons défoulements comme Ugly ou Shut up, deux titres que j’ai toujours beaucoup appréciés.
Est-ce que c'était votre première expérience dans la rédaction d'un fanzine ?
Pour écrire il faut avant tout avoir une ligne directrice, être capable de rédiger sur un sujet ou l’autre sans jamais se pervertir. Que vous disposiez ou pas d’une expérience préalable s’avère finalement, tout au moins au niveau rédactionnel, assez insignifiant. Ecrivez pour vous et non en fonction de ce qu’un public pensera. Je crois que pour Black & White nous avons tous eu cette attitude exemplaire. Nous voulions parler des Stranglers, apporter quelque chose en fin de compte, sans cependant percevoir pleinement ce que cela signifiait. Nous sommes passés à la radio, à la télé même, nous avons été jugés « meilleur fanzine francophone » etc... Nous n’avons jamais dévié et il était pour nous exclu de mélanger les genres. Les deux figures essentielles du succès du SFS et de son organe de presse, Black & White, étaient pleinement conscientes que pour continuer d’écrire, il fallait se battre en permanence, développer un réseau commercial, lutter pour que les disquaires paient les numéros vendus.
Quand et comment est-ce que l'aventure a commencé ?
Le Caennais Jean-Luc et son cousin Etienne m’ont rendu visite à Paris en septembre 81 et m’ont organisé un rendez-vous au studio Aquarium où Jean-Jacques produisait Taxi Girl (mes pensées à Daniel, avec qui nous avons entretenu une belle relation). Ce fût, je crois, tant pour Jean-Jacques que pour moi, un coup de foudre réciproque. Jean-Luc et Etienne ont été des personnages finalement essentiels. Le temps a passé, nous avons fait connaissance d’Olivier, Eric et Magali, nous avons grandi, déployé nos ailes, Etienne et Jean-Luc ont assisté à la réunion où nous avons décidés de fonder une association loi 1901. A un moment nous étions huit, c’était trop pour un travail pas encore suffisamment développé. Etienne et Jean Luc ont dû quitter le SFS.
Quand et pourquoi est-ce que ça s'est terminé ?
Olivier Dufrien et moi disposions non seulement d’une motivation impressionnante mais aussi d’une équipe ultra-motivée. Frank réalisait des dessins incomparables, sensibles et artistiques. En outre il joua un rôle décisif au niveau de la maquette du magazine. L’arrêt est la combinaison de mon abandon du SFS (on peut parler de burn out) et de la décision de Jean-Jacques d'arrêter Black & White. Aujourd’hui on ne peut rien reprocher aux Stranglers, Olivier partagerait vraisemblablement cette opinion. Avec du fric mais personne pour écrire, on ne va pas loin. Alexis, manager de Taxi Girl, a été admirable [NDLR : Alexis Quinlin a aidé financièrement le SFS à sortir le n°5]. Alain Lahana, le tour manager français de la tournée de 1985 a aussi été exemplaire [NDLR : en permettant au SFS de suivre la tournée française et en permettant à l'association d'apposer son logo sur les billets]. Nous avions finalement tout de même plus de relation avec la maison de disque française qu’avec les Stranglers. Nous avons toujours été très reconnaissant envers nos « fans », Stéphane Renaud à Annecy, Christian à Lille, Fabienne en Suisse, qui nous motivaient et avec lesquels nous avons aussi développé des relations amicales.
Quels étaient vos liens avec le SFS ?
Le SFS et Black & White étaient constitués des mêmes personnes. La seule différence a été l’utilisation d’un pseudonyme, Tommy Deuce dans mon cas. Olivier et moi gérions le SFS, nous entretenions une excellente relation, j’ai toujours admiré, avec le recul, ce que nous avons atteint. Ne me demandez pas combien d’heures nous avons consacrées à ce succès ! Nous avons essayé d’assurer la pérennité de notre magazine : développer un réseau commercial avec des disquaires, assurer avec eux les ventes, participer aux émissions qu’elles soient de radio ou de télé… Je me suis personnellement attelé au développement du réseau qui nous menait de Lille à Nice en passant par Paris, Grenoble, La Rochelle etc... Des fans nous ont énormément aidé aussi. Nous étions encore étudiants et n’envisagions tout de même pas de rater notre avenir en raison d’une « folie passagère ». Le SFS a été dissous, comme Olivier le redoutait, quelques mois après mon départ.
Quels étaient les endroits où le fanzine se vendait le mieux ?
Sur la tournée 85, si le concert était bon, nous vendions énormément de fanzines. A Nice, à Paris, à Lyon, ça a marché très fort. A Clermont-Ferrand, ce fût un désastre. Un peu comme si Hugh avait eu raison lorsqu’il disait que réveiller ce public était aussi difficile que d’allumer un glaçon avec un briquet. Au niveau de la distribution auprès des revendeurs, New Rose, à Paris, mais d’autres aussi, marchaient très bien.
Quelle image aviez-vous des fans des Stranglers dans les années 80 ?
Nous avons eu de la chance, la France ne s’intéressait pas encore aux Stranglers à cette époque. Nous avions d’un côté les hardcore supporters, fous furieux de Rattus Norvegicus (dont je faisais partie) qui souvent étaient libres et adhéraient pleinement au message du groupe, de l’autre ceux qui trouvaient des morceaux comme Golden Brown, Midnight Summer Dream ou La Folie formidables et ne voulaient, par conséquent, rien savoir du passé sulfureux. Les deux m’ont fait quelque part pitié. Les premiers parce que des morceaux comme Paradise étaient aux antipodes de Down in the Sewer. Les seconds pour les mêmes raisons, dans l’autre sens. Sur une ou deux tournée nous avons rencontré des gens déconcertés, qui s’attendaient à passer des moments midinettes et se sont fait rouler dessus par des blindés.
Aviez-vous des liens avec le SIS et Strangled ?
Les rapports avec Paul Roderick, frère de Jet et éditeur de Strangled, n'étaient pas très bons. Il a eu très peur que ma première initiative [NDLR : la publication du premier n° du Strangled en français en 81] soit un acte pirate. Ce qui n’a pas empêché que nous ayons accepté la parution d’articles dans le bulletin anglais et a aussi contribué au développement d’une relation saine avec quelqu’un comme Chris Twomey [NDLR : un des collaborateurs de Strangled et auteur de la première biographie des Stranglers].
Quelle était l'implication des Stranglers dans le fanzine ? quelles étaient vos relations avec le groupe ?
J’entretenais une excellente relation avec Jean-Jacques et je regrette objectivement de ne pas avoir entretenu ce contact privilégié. Je crois que Jean-Jacques et moi aurions pu maintenir ce très grand respect réciproque développé au studio Aquarium et entretenu au fil des ans. L’implication des autres Stranglers dans le fanzine était toutefois moins importante.
Qui finançait le fanzine ?
Grâce au talent de gestionnaire d’Olivier, nous avons vécu en auto-gestion, 1/4 du fanzine étant financé par les abonnements Nous publiions aussi le fanzine quand nous en avions les moyens. Le seul, si je me souviens bien, dont nous avons obtenu de l’argent (10.000 francs de l’époque), était Alexis, manager de Taxi Girl. Olivier et moi nous sommes longuement demandés si nous acceptions ce geste. Cela ne nous a influencé en rien, nous avions une relation sobre et saine avec Taxi Girl.
Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ?
Je rappellerais volontiers cette phrase de Churchill lorsqu’il présentait son plan pour le débarquement aux armées alliées : "Ne posez pas de question sur les difficultés, elles viendront d’elles-mêmes." On ne fait rien en fonction des difficultés auxquelles on risque d’être confronté. On agit, on apprend, on mesure les risques et on recommence. Matériellement, je crois que notre éditeur a, lui, souffert. A l’époque du offset, nous voulions toujours ce qui n’était pas possible : du texte blanc sur un fond noir, des dégradés de noir sur certaines photos… Ça parait banal aujourd’hui, à l’époque ça ne l’était pas.
Un article marquant/une rencontre mémorable ?
« Stranglerisme » (dans lequel j’expliquais le point de vue des Stranglers sur le fanatisme. Ce point de vue était aussi le mien).
Une rencontre ? Les fans, on apprend toujours beaucoup à leur contact (même si l’un d’eux voulait me casser la gueule à Lyon – sans doute délit de sale gueule).
Une rencontre que j’aurais aimé faire ? Richard Gotainer, à l’époque voisin d’Olivier.
Un bon et un mauvais souvenir ?
Un mauvais souvenir ? Plutôt une grande tristesse, celle de voir que des individus sont prêts à tout pour coucher avec des stars. Ca en fout un sacré coup quand on est idéaliste et qu'on croit en certaines valeurs.
Un bon souvenir ? Ces cinq années fabuleuses au sein du SFS, ma grande amitié pour Olivier, notre complémentarité et notre détermination.
Un mauvais souvenir ? L’effroyable machine de la starisation.
Qu'est-ce que l'expérience du fanzine vous a apporté sur un plan personnel ?
Je ne veux pas parler comme un vieux con, mais à 20 ans on est idéaliste et on a encore beaucoup à apprendre. Gérer un fan club ou une entité similaire, toujours aujourd’hui, requiert des compétences, un sens aigu des responsabilités, la capacité à s’assumer.. Il en reste forcément beaucoup. Ecrire pour un fanzine ou un magazine, cela demande du temps, savoir le gérer (quand on est étudiant en licence, puis en maîtrise universitaires on a plutôt tendance à en manquer), savoir structurer ses idées… C’est beaucoup plus stimulant que de maltraiter une pauvre femme âgée… si vous voyez à quel titre du dernier album je me réfère.
Avez-vous continué à suivre le groupe ? avez-vous toujours des relations avec eux ?
J’aurais été très heureux de conserver cette relation avec Jean Jacques au lieu de la sacrifier. Les Stranglers ont toujours joué une musique remarquable, chanté des textes justes, refusé la facilité commerciale et toutes ces inepties qui font que la musique aujourd’hui ressemble aux tranchées de Verdun. Ce qui ne signifie pas non plus que les disques des années de Paul ont été exemplaires. Il a fallu Suite XVI pour que je me sente de nouveau concerné. Et ce concert en cadre intime à Zurich l’année dernière restera sans doute inoubliable.
Fiche technique Black & White
- nombre de numéros : 9
- Dates de parution : février 82-novembre 86
- Tirage : entre 400 ex (n° 0) et 5000 ex (n°9)
- Lieu de publication : Paris
- Distribution : abonnés, disquaires à Paris et en province
- Couleur/n&b : toujours n&b
- Présence de photos/dessins/BD : oui/oui/oui
- Publication de photos inédites : oui
- Nombre de collaborateurs et collaborateurs principaux : 10 au total dont 4 principaux (Olivier Dufrien, Jean-François Guyard, Frank Legrand et Eric Thullier + Jean-Luc, Etienne, Philippe, Catherine, Sylvie, Magali)
- Forme technique (photocopies, impression chez un imprimeur) : imprimeur
- Avec l'aide d'Eric Dochez, grand collectionneur de toutes sortes de choses en rapport avec les Stranglers et animateur de Strangulation, et les précisions d'Olivier Dufrien
- Interview de Jean-François Guyard par Cecile
5 commentaires:
merci
interview très intéressantes avec de bonnes questions et de bonnes réponses....
youz
Excellente interview! Merci!
Bonjour à toute l'équipe qui fait un travail remarquable. Je viens également de relire l'entretien très réussi avec Eric. C'est superbe qu'il y ait toujours des gens hyper motivés pour nous maintenir informés. Donc tous mes encouragements. Quelqu'un sait-il par cpntre ce qu'il est advenu de Frank Legrand? Si je me rappelle bien, Olivier le confirmera, Frank s'est lancé dans une aventure juste après notre arrêt, non? Ce serait sympa et forcément instructif d'en apprendre aussi de ce côté.
Sur ce, une excellente nouvelle année, santé, de nombreux moments inoubliables avec vos familles respectives et avec ce groupe unique.
Jean François
PS: Par contre un peu frustré de les avoir raté le 15. novembre à Winterthur, j'étais aux Hospces de Beaune.
merci de tes voeux et bonne année à toi aussi.
j'ai essayé de retrouver Frank Legrand mais impossible de le localiser ! s'il nous lit...
Cecile
Salut Cécile
Et une nouvelle fin d'année se profile.
Continuez ainsi au fan-club ��.
On a besoin de vous et vous faites un boulot remarquable.
Amitiés à toi, Eric et l'équipe. Naturellement aussi à Olivier et Frank s'ils me lisent.
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