mercredi 12 février 2014

JJ Burnel - Tournée européenne et 40 ans de carrière

Nous avons le plaisir de vous proposer une nouvelle interview exclusive de JJ Burnel. 
Nous remercions, encore une fois, JJ pour sa disponibilité, son soutien et sa gentillesse. Sans lui nous n'aurions jamais pu créer et lancer ce blog officiel. Bonne lecture !


Les Stranglers fêtent cette année leurs 40 ans de carrière. C’est un événement unique. Un parcours exceptionnel que peu de groupes ont réussi à accomplir. Aujourd’hui et pour les groupes actuels, c’est quasi impensable. C’est l’époque du grand zapping, du changement permanent. Alors revenons 40 ans plus tôt et imaginons un instant que le jeune JJ ne rencontre pas un certain Brian Duffy. Avais-tu d’autres projets que de partir au Japon ? En un mot, est-il possible d’imaginer un JJ sans la musique ?
J’ai toujours baigné dans la musique. Mes parents en écoutaient beaucoup. Mon père écoutait beaucoup de musique sud-américaine, notamment le tango. Il adorait ça ! Il était cuisinier dans les années 30 sur la ligne maritime qui desservait l’Amérique du Sud à partir du Havre. Un jour, il m’a donné une guitare et m’a fait prendre des  cours de guitare classique. J’ai donc débuté à 12ans, à la grande joie de mon père qui était comme amoureux de la guitare.
Ma mère aimait aussi la musique classique.

Tu as donc pratiqué la guitare jeune mais avais tu déjà tes propres goûts musicaux ? Tu sortais un peu ? 
Quand j’avais 12 ans, j’ai connu le « blues boom ». J’ai vu adolescent des groupes comme Fleetwood Mac ou Free avant qu’ils ne deviennent célèbres. Jeune, je jouais des trucs comme « House of the rising sun ». Puis, sont arrivés tous les groupes que l’on classe généralement dans le mouvement hippy. Je pensais à l’époque sincèrement que la musique avait un rôle à jouer, une importance et donc une influence sur nos vies. Que les choses pouvaient bouger, changer. La musique n’était pas un produit  de consommation. Elle était importante pour moi.

Jouais-tu dans un groupe ? Il parait que tu aurais composé « Go buddy go » à 15ans ?
Quand j’ai rencontré Hugh pour la seconde fois, je lui ai joué « Go buddy go ». A l’époque il était seul, son groupe était reparti en Suède. Il a vraiment aimé. A l’époque, je restais souvent chez moi. Je ne sortais pas beaucoup. Je faisais des économies pour aller pratiquer le karaté au Japon. Je faisais donc des économies. J’étais à l’époque avec ma petite amie Choosey Susie.

As-tu conservé les chansons de cette époque ? 
Non tout est perdu.

Tu as souvent dit que jeune, tu avais souffert du racisme anti français. Tes parents, eux, étaient installés comme restaurateurs mais il est vrai qu’il est toujours plus dur pour un enfant de s’intégrer, notamment à l’école où les rapports dans les cours de récréation sont souvent difficiles, parfois cruels. Jeune garçon, te sentais tu malgré tout pleinement Anglais ? Ou encore et toujours un peu Normand ?
Je dirais qu’il y avait une forme de xénophobie. En parlant d’école, j’ai intégré une école célèbre et très cotée. Le bâtiment avait été construit en 1509. J’ai réussi le concours pour y entrer et mes parents ont bénéficié d’une bourse. Aujourd’hui cette école coûterait près de 30000 euros par an !!! Mais ce n’était pas facile pour moi car j’étais le fils de Français. Je me faisais souvent « emmerder » voire casser la gueule ! Un jour je me suis fait tabasser par deux jeunes, qui avaient deux ans de plus que moi. Cela fait une grosse différence à cet âge. Mais un professeur qui avait vu cela, a organisé, devant toute l’école, après 16h, un combat entre moi et l’un d’entre eux. Nous avions des gants de boxe. J’ai pris ma revanche et je lui ai donné une belle raclée. J’ai compris alors que je devais être fort pour me faire respecter. Cet épisode de ma vie a été comme une révélation. Pour en revenir à cette école, il y avait un encadrement quasi militaire. Beaucoup de jeunes devenaient par la suite officiers dans l’armée. J’ai d’ailleurs des copains qui le sont devenus. Bref, j’étais gêné d’être d’origine française. Je voulais être intégré, ne pas être différent. Mais l’Angleterre d’hier était moins cosmopolite qu’aujourd’hui. C’était donc plus dur.

Cette double appartenance, cette ambivalence t’a beaucoup apporté dans ton parcours artistique. Tes parents te donnaient-ils des repères par rapport à ton pays d’origine ? Pas seulement sur le plan artistique mais en général ?
J’allais tous les ans deux mois en vacances chez mes grands-parents, à Caen. J’avais le cœur en France mais ma cervelle restait mitigée ! Car quand je rentrais en Angleterre, j’entendais souvent dire « et vous les Français, que faisiez-vous pendant la guerre ? » Les Anglais étaient fiers d’avoir résisté mais ils se moquaient des Français pour leur couardise. Pour eux, vous aviez un passé peu glorieux, avec une bonne partie de la population qui était antisémite. Les Anglais se sont battus jusqu’au bout. Les parents de mes copains étaient fiers de leur armée.

L’Angleterre souffrait terriblement sur le plan économique après guerre mais aussi jusqu’au début des années 70 ; Tu as dû ressentir un tel marasme : comment le vivais-tu ? 
Les Américains ont aidé l’Europe avec le plan Marshall. Les Anglais n’ont rien eu. Les Américains voulaient affaiblir l’Empire britannique pour, déjà, imposer leur propre mondialisation. Au début des années 70, il n’y avait parfois que trois jours de travail par semaine. Les pannes d’électricité étaient courantes. Nous avions aussi des syndicats très alignés sur la Russie, d’inspiration communiste. Tout cela bloquait le pays. Il y avait également le mouvement pacifique qui croyait qu’il était possible, de façon unilatérale, d’arrêter le danger des missiles russes. Nous avons d’ailleurs été interdits longtemps à Glastonbury car je pense qu’ils avaient une accointance avec tous ces mouvements. Je m’en méfiais.

Tu as récemment dit que la monarchie apportait une certaine stabilité, assurait une certaine continuité. Il me semble que cette analyse est plutôt récente. Pourquoi ?
Les hommes politiques font des promesses pour se faire élire. Ils doivent ensuite les assumer. Dans une monarchie constitutionnelle, la reine ou le roi prennent une certaine hauteur. Ils doivent assurer et donner une bonne image à la nation. Cela, bien sûr, s’ils jouent le jeu et qu’ils ne baisent pas à droite à gauche ! Il y a un devoir d’exemplarité car sinon la nation est décrédibilisée. C’est un investissement pour le pays. Dans beaucoup de pays en Europe, il y a des monarchies constitutionnelles et cela marche bien globalement. Cette semaine, nous avons eu des inondations et un émissaire du gouvernement est venu. Il s’est fait huer !!! Par contre le Prince Charles est venu et lui a été bien accueilli. Il était vraiment sensible à l’intérêt de tous.
En France, vous avez encore l’héritage du Président Mitterrand avec beaucoup de centralisme ou de bureaucratie. Les gens veulent plus d’indépendance. C’est ça le fameux modèle anglo saxon dont vous ne voulez pas.

Revenons sur le sujet de la musique : tu as enregistré deux albums solos et une musique pour un court métrage. « Euroman » était assez avant gardiste, « Un jour parfait » donnait dans un registre plus variété, n’as-tu jamais eu envie de poursuivre avec l’écriture d’un nouvel album en français ?
C’est un problème de temps ! Quand les Stranglers me laisseront un peu de temps (ce qui n’est pas le cas en ce moment), j’aimerais travailler sur un disque en français.

Je me permets de revenir sur ce sujet. Tu as travaillé aussi avec Jacques Dutronc. Tu aurais pu travailler avec d’autres artistes tels que Dominique A, Etienne Daho voir Alain Bashung. Tu y pensais à l’époque ?
J’étais très heureux de travailler avec Jacques Dutronc. Il m’a réclamé comme bassiste. C’est vraiment un grand compositeur. Celui qui a composé « Et moi et moi et moi ». Titre fantastique ! La pop française, les années « yé yé » étaient vraiment intéressantes.

Je t’ai revu, il y a peu, dans un enregistrement vidéo où tu passais chez Drucker. Tu as fait à l‘époque tous les gros médias y compris TV. Avec le recul, cela reste un bon souvenir ? 
En effet, j’ai été bien exposé. Je me rappelle de ce passage à « Champ Elysées » !!! Mais cela n’a pas beaucoup aidé le disque à se vendre, malgré le passage et la bonne promotion du titre « Le whiskey ». Au final ce disque n’était pas trop mal. Je l’avais fait à la maison avec Dave et John Ellis.

Ok parlons maintenant du groupe. Vous allez débuter une nouvelle tournée européenne. Ce sera sûrement l’occasion de jouer une set list qui rendra hommage à l’ensemble de votre carrière. Jouerez-vous aussi des titres rares  ou peu joués ? « La folie » par exemple ?
Nous allons répéter ce titre la semaine prochaine. Les autres sont d’accord. Nous le jouerons probablement en France. Sinon, nous jouerons un titre par album. Nous jouerons des morceaux comme « Still life » que j’aime beaucoup (un des seuls de cet album) ou « Valley of the birds ».
Il y  aura aussi un titre du Gospel According. Le Gospel avait été un fiasco sur le plan commercial. La maison de disque pensait se débarrasser de nous avec cet album. Mais pas de chance ! Nous avons sorti juste après « Golden Brown » ! Ils ont sorti ce 45T avant les fêtes de noël, pensant qu’il ne serait pas entendu par le public. La période des fêtes devait faire oublier ce titre. Et il s’est passé le contraire. Après le succès mondial de cette chanson, on leur a filé « La Folie », 7minutes en français !!!

La santé de Jet ne lui permet plus de jouer avec vous. Allez-vous à nouveau mobiliser deux batteries sur scène ?
Nous avons répété avec lui aujourd’hui mais c’est très compliqué. Son bras gauche était comme paralysé. Lui-même a dit que « c’était de la merde » … Tant qu’il reste avec nous, dans l’entourage et qu’il garde le contact, ça ira. Il s’occupe toujours de suivre et conseiller les batteurs qui le remplacent. On va voir avec une seconde batterie, peut-être sur un titre ou deux. Sinon, il viendra saluer chaque soir.

Peut-on imaginer le groupe définitivement sans lui ?
Non, s’il arrête d’être avec nous, ce sera la fin.

Vous ne ferez que 4 dates en France ? 
Nous avons eu un problème de programmation et de logistique. Imagine que nous devions aller de Berlin à Toulouse !

Vous rejouez à l’Olympia, pourquoi ne pas changer de salle ? 
Oui ce serait possible car il existe plein de bonnes salles mais je veux encore profiter de l’Olympia. C’est une salle que j’aime beaucoup.

Je reviens sur les 40 ans de carrière : il n’y a jamais eu de film sur le groupe. Vous avez fait l’objet de documentaires, de reportages, etc mais pas de films. Il y avait un projet en cours l’année dernière. Toujours d’actualité ?
Oui, le projet est toujours d’actualité. Un publicitaire écossais, fan du groupe, nous prépare un film qui va s’écouler sur trois ans d’enregistrements. Il aimerait proposer ce film dans des festivals. Il y a eu d’autres offres de documentaires mais qui n’ont pas abouties.

Pensez-vous sortir un disque (ou autre) collector spécifiquement dédié aux 40 ans ?
Nous allons filmer le dernier concert à Manchester. Il devrait sortir après en DVD.

Dernière question : allez-vous organiser une autre convention cette année ?
On en parlait il y a quelques heures !!! L’année prochaine, nous pourrions proposer une convention où le film serait présenté en exclusivité pour les fans. C’est une possibilité.


Lire aussi : Interview exclusive de Jean-Jacques Burnel  - 1ère Interview pour Stranglers-France

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Merci ! Très bonne ITW !

Anonyme a dit…

Merci beaucoup !

RythiéInBlack.

Nathalie a dit…

très très bien merci