mardi 2 avril 2024

50 YEARS IN BLACK : Belfaft, le 11 mars & Dublin, le 12 mars 2024

Comme annoncé précédemment, nous avons le plaisir de vous proposer quelques comptes rendus des concerts de la dernière tournée britannique. Cette tournée des 50 ans a en effet été triomphale ! Le concert final du Royal Albert Hall peut être considéré, de l'avis de tous, comme absolument exceptionnel.


Dans l'immédiat, nous allons vous parler de l'Irlande avec notamment un super retour d'AnneLu. Bonne lecture et encore merci à nos précieux et fidèles pigistes pour la qualité de leurs chroniques. 


IT’S A LOVELY DAY FOR A GUINNESS*

Lorsque vous dîtes que vous allez à Belfast, les gens vous imaginent déjà portant un gilet pare-balles, encadrée par les drapeaux nationaliste et unioniste battant aux vents du Nord…. Mais surtout dans l’esprit collectif, Belfast sent l’Angleterre et le protestantisme.

Je suis moi-même arrivée en me demandant comment se sentaient les habitants de cette ville ? Irlandais irlandais ? irlandais anglais ? 

Non… ils sont bien tous Irlandais de cœur et de terres, ils ont tous votés contre le Brexit et aujourd’hui, on compte plus d’écoliers catholiques que protestants.

Malgré tout le fossé entre les deux communautés ne s’est pas rempli d’amour et de paix. On continue à habiter une rue catholique, un quartier unioniste, on se méfie de son voisin.

Les tensions et les crispations existent toujours. Alors que Joe Biden est convié le 11 avril prochain à venir célébrer l’anniversaire des Accords de paix, le niveau de menace terroriste reste élevé.

La seule chose qui se soit transformée au cours de ces années, ce sont les organisations criminelles désormais liées aux groupes paramilitaires ultraviolents. L’argent de la drogue alimente l’achat des armes. Avenir exsangue vidé du sang de ses martyrs…

Pourtant le taux de chômage est faible. Mais la productivité l’est encore plus ; les investissements sont insuffisants et le niveau d’éducation anémique. Brexit et pandémie n’ont fait qu’exacerber les discours agressifs.


BELFAST - Lundi 11 mars 2024

C’est un dimanche après-midi, morne et désert. La pluie est froide et grise. Je lève les yeux sur des façades de brique brune et noire. Un seul goéland perce la solitude de ce sombre ciel. Au carrefour du centre-ville, je ne vois qu’un Starbuck et un malingre Subway ouverts. Même le Pub de la Couronne ne réagit pas.

Je loge tout près de la salle. De ma fenêtre je n’ai pour seul horizon qu’un chantier mouillé où se dresse encore un immeuble totalement muré. Derrière la vitre brouillée par la pluie, quelques fumées s’échappent de leur cheminée et grimpent vers le toit. J’ai le sentiment d’une ville triste et préoccupée, qui reste divisée, séparée par un mur parfois invisible, parfois réel mais qui suinte partout la rancœur. Impossible de rester neutre lorsqu’on grandit ici et que chaque famille a vécu ces troubles meurtriers.

Sunday…. Gloomy Sunday….

Le lendemain est comme hier. Figé. Il faut bouger, sortir voir… 

Il est à peine midi et je croise 3 ados désœuvrés, qui tanguent déjà dans leurs docs… ils semblent lorgner sur mon appareil photo que je viens d’extraire de mon blouson. Me bousculent, me dépassent, se retournent et m’épient au coin de l’impasse. Je capitule et fais demi-tour. Ambiance déshéritée….

Le ciel est opaque et ennuyeux. Malgré tout l’Ulster Hall a plutôt fière allure. On l’imagine accueillant une fois ses guirlandes allumées. Tout comme la veille, je ne vois aucune affiche des MIB. Mais maintenant, je suis sûre que c’est bien là, même si à 18h, il n’y a que quelques courageux devant les portes. Irréductibles du royaume d’Angleterre et punkettes du cru. Le monde arrive au compte-goutte et c’est encore une étrange impression lorsqu’on connaît les longues files qui s’étendent d’habitude sur les trottoirs !

Enfer et damnation. Plus de place au 1er rang. Bien que…. Avec un peu de bonne volonté il aurait été facile de me laisser quelques centimètres mais on me rétorque quelque chose sur les français qui peuvent aller se ?…. Autre part si j’ai bien compris…. 

Après vous Messieurs les Anglais…

Et comme si cela ne suffisait pas, la salle est moche. Dans un style sévère, protestant. Vaguement blanche et ornée de peintures illisibles, trempées d’un monotone vert eau. 

Heureusement côté scène, les MIB ont prévu une petite déco maison très réussie, avec 3 grands lustres aux multiples pampilles translucides et 6 énormes spots cinéma vintage sur trépieds.

Et les lumières s’éteignent, pour leur entrée. Petite revanche, JJ lance un Bonsoir en français. Je ricanne, narquoise….

Costumes taillés sur mesure et portés avec classe. Je regrette que Toby ait tombé la veste, quant à Jim on imagine qu’il serait certainement gêné aux emmanchures s’il avait dû la garder pour jouer… les voici prêts à nous dérouler 28 morceaux, écrits et joués tout au long de ces 50 ans de carrière. Tout est passé tellement vite qu’on n’a rien vu passer….

Le 1er set débute avec « Just like nothing », dans une nouvelle version dont je ne suis pas fan. Pas beaucoup plus par le 2ème morceau « Hallow to our men » ; je ne le trouve pas très accessible en live peut-être parce qu’il y a assez peu de paroles ? Par contre, dès cet instant j’ai un sentiment de changement dans le jeu de Toby, comme s’il avait pris son exacte assurance. Son jeu bien à lui, pas de copié-collé, et parfaitement maîtrisé. Un bond en avant dans sa manière de jouer ces morceaux dont il n’est pas le créateur. Et c’est peut-être ce qui lui permet dorénavant d’ajouter le chant à sa partition. J’ai eu la même impression avec Jim. Une fluidité nouvelle. Ni trop fort ni pas assez. Just a perfect game for a perfect day….

Et puis c’est « The Raven », annoncé en l’honneur de Jet et de Dave. Juste sublime. Sous les feux de la rampe les breloques des trois lustres forment des arabesques qui se reflètent en rythme sur les murs, filent sur les côtés pour grimper au plafond. Comme des ronds de fumée bleue…

Baroque Bordello, que j’ai toujours trouvé très créatif, il y a plein d’idées dans ce morceau, comme si chacun avait vraiment apporté sa pierre à l’édifice. C’est pour moi une des pièces majeures du son et du style Made by the Stranglers.

Si c’est une jolie surprise, ça l’est pourtant moins que le morceau suivant « North Winds », qui me touche au cœur et à l’âme. Un de ces morceaux qui vous reste en tête, une fois dehors, lorsqu’on ressort dans la nuit. J’aime tout dans ce morceau, la mélodie comme les paroles que j’adapte à mon chemin et qui pour moi raisonnent d’autant plus ici, à Belfast.

« Génétix » dans une version différente que j’apprécie plutôt. Suit « Princess of the streets ». Et comme le ressac, mon excitation remonte avec « Breathe »… très beau morceau, qui me surprend un peu de la part des MIB. Non pas pour ses paroles mais plutôt dans sa mélodie. Mais je pardonne à celle-ci pour la beauté de son texte.

C’est bientôt la fin de ce 1er set. « Hanging around » puis « Down the sewer » que je continue à préférer dans sa version originelle. Peut-être aurai-je pu changer d’avis si j’avais été au RAH… l’interprétation ce soir-là paraissait vraiment magique…

Dans l’ensemble un 1er set assez novateur pour moi, avec 5 morceaux sur 10 que je n’avais, soit jamais entendu en live, soit que très rarement vécu au cours des 10 dernières années.

Entracte d’une demi-heure. Je reste à ma place. Niveau ambiance, tout le monde vieillit sans doute. J’étais en plein milieu et jamais, et je m’en réjouis, je n’ai été écrasée, boxée, moulinée, ni même  coulée au fond d’un verre de bière… 

Quant à la formule 2 sets, elle est finalement bienvenue. On commence à l’heure, on arrête pas plus longtemps que prévu… Car le pire, n’est-ce pas l’attente, interminable parfois, avant ?  dehors ? debout ? pendant ? Waiting for my men ?

Finalement je vais m’éclipser et filer à Dublin pour le 2ème set…. See you soon



DUBLIN - Mardi 12 mars 2024

Installée dans le bus je quitte joyeusement Belfast pour Dublin. On range les livres sterling pour ressortir les euros ! 

Lâchée dans un centre-ville affairé et joyeux. La ville frémit, circule, une multitude de bus à étage jaunes et verts s’entrecroisent dans un ballet bien rôdé. Je longe la Liffey, en crue ici aussi, ce fleuve qui traverse la capitale et dont on puise l’eau, à la source, pour produire la Guinness !. J’emprunte the Bachelor Walk, les quais de bois où les mouettes et les goélands, énormes, bavassent haut et fort dans la quiétude de ce début d’après-midi.
Ici aussi je loge à côté de la salle donc dans le quartier des pubs, Temple Bar. Dans 5 jours c’est la Saint Patrick et les trèfles à quatre feuilles fleurissent sur les vitres et les ardoises des pubs.

Des ruelles pavées s’enfoncent sous les arcades des façades de granit, fortes, stoïques, résistantes aux vents et aux invasions. Je déambule le nez en l’air, attirée par toutes ces vitrines joyeusement colorées et fleuries. Et dans le brouhaha ambiant j’entends, au détour des fûts de bière déchargés sur le trottoir, Stranded de The Saints !! top !   et mieux encore, en m’approchant de l’antre de cette minuscule boutique, s’affiche ouvertement, telle une travailleuse, une galette des Stranglers à Cleveland en 1991. Elle me fait de l’œil et les MIB aussi d’ailleurs. Ni une ni deux j’entre et fébrilement commence à activer mes petits doigts pour faire défiler tout ce qui est possible, au milieu des pins et des K7, mais oui !

La vie est belle ! Et summum de l’excitation pour moi, j’ai un pass photo pour ce soir…. J’en suis tout en émoi…. Décidément, la soirée maussade d’hier au 2eme rang avec un téléphone poussif s’éloigne à grand pas ! et j’ai entendu dire que la salle était très belle et la sécurité très cool… 

Et c’est vrai. Accueillie avec sourires et gentillesse, je récupère le cœur un peu battant, mon pass…. On me rappelle que, puisque 2 sets, possibilité de shooter 2 fois les 3ers morceaux !!! le paradis je vous dis !! Dans les couloirs arrondis de ce théâtre je me balade, bouche bée devant les murs ornés d’une multitude d ’artistes superbement photographiés en noir et blanc.  Les portes de bois aux poignées de cuivre s’ouvrent sur cette salle magiquement rococo, pas très grande mais vraiment charmante. On se croirait dans un de ces gâteaux sculptés, dont le glaçage formerait des balcons dodus de sucre glace nacré, sur une mousse framboise. Des petits chandeliers vintage aux abats-jours rose thé courent tout le long des balustrades, posés comme des cake-pops décorant ce gâteau.
Au-dessus de la scène les lustres voyageurs et intercalés entre batterie et keyboards, les 4 gros spots cinéma. Ce soir encore, ombres et lumières vont jouer à s’entrecroiser et le rideau de satin du fonds de scène verra apparaître ondulant, un dragon d’or s’enrouler et voguer sur les rayons rouges des flammes puis disparaître dans le bleu d’une eau frissonnante.

Symbole chinois de l’année 2024 et accessoirement signe astrologique de JJ comme de Baz ! dragon d’eau et dragon de bois sont dans un bateau….. 

Nous sommes 5 photographes mais les 4 autres ne connaissent pas la famille des MIB et Charlie…. Celui qui parle peu sauf pour entamer son « Strangleeeeeeeeeers !!!! » ; très très surpris les photographes… je dirai même plus : carrément décontenancés….

Les lumières s’éteignent…. Je tourne le bouton de mon appareil sur ON… La setlist est la même qu’hier, je ne reviendrai pas sur le 1er set.

Entracte rigolard et chaleureux… j’attends avec impatience de reprendre mon arme photographique mais là…. Je crois comprendre que non, changement de programme, les photographes ne reviendront pas une 2ème fois comme la veille à Belfast… Bullshit… pas de chance… d’autant plus que j’ai laissé ma place au 1er rang que j’avais réussi à me creuser gentiment. Ici, pas de racisme antifrançais de la part des Irlandais mais je ne vais pas m’imposer à nouveau. C’est d’abord leur concert .… 
« Waltzinblack » annoncera le retour de nos artistes. « Who wants the world » pour débuter. Depuis que j’ai vu la superbe vidéo où ils jouent ce morceau debout en pleine campagne anglaise, tous jeunes, avec un Dave tellement beau…. Mais ce soir j’apprécie bien aussi. Suivra « Dagenham Dave » puis « Duchess »,  « Time to die » dans une version encore une fois revue et corrigée pour arriver à « Ships that pass in the night », un morceau que j’apprécie particulièrement mais un peu moins dans la version jouée ce soir. Puis « Peaches » qui reste évidemment toujours un très bon moment tout comme « Always the sun », « Skin Deep » et « Golden Brown ». Le reste de la setlist n’innovera pas, mis à part « Threatened » qui reste pour moi un morceau difficile, loin d’être mon préféré tant par la mélodie que par les paroles. Des goûts et des couleurs …. Également « Relentless », « 5 Minutes », « Lost Control », « White Stallion », « Something better changes » et enfin « Tank » qui n’est pas non plus dans mes préférés côté chant.
Voilà. Pour terminer, le rappel convenu avec Go Buddy go et No more Heroes, je dirai « un peu comme d’hab ».

Cette tournée a surtout repris les morceaux de Rattus Norvegicus (5 morceaux), The Raven (4 morceaux) et No more Heroes (3 morceaux). Arrivent ensuite à part égale Aural Sculpture, Black & White, Dark Matters, IV, The Gospel according to the MIB avec 2 morceaux de chaque et enfin 1 morceau pour Dreamtime, Féline, La Folie, Norfolk Coast, Stranglers in the Night et Suite XVI.
Je laisserai les amis qui vont prendre la plume après moi pour vous raconter d’autres dates sous d’autres cieux, s’exprimer avec leurs mots, plus musicalement et de manière beaucoup plus pointue sur la discographie des MIB.
Bien sûr chacun d’entre nous, fin connaisseur ou pas, aurait aimé entendre tel ou tel autre morceau. Pour ma part, j’aime toujours autant « Ice Queen » mais on m’a dit que c’était un morceau difficile à jouer en live. Je rêverai d’entendre un jour « Spain », « Vietnamerica », « Let me introduce you to the Family », « Boom Boom » version électrique et bien entendu les 2 morceaux que j’ai utilisé à titre personnel sur mon site photo : « Midnight summer dream » et « This Song » !

C’était un bon moment, très succinct par rapport à l’ensemble du tour. Je pense que côté public, il a manqué de l’entrain, en grande partie dû à toutes ces salles où le public devait être assis. Comme disait une amie écossaise, c’est un non sens ! on ne va pas à un concert de rock pour se retrouver assis comme au théâtre sauf si on le souhaite ou si on y est obligé. Petite erreur de casting… 
Et puis, on dit toujours que le public veut entendre ses morceaux fétiches, usés jusqu’à la corde et qui donnent un air de karaoké mais personnellement, même si ces morceaux sont fantastiques, ce n’est pas pour rien qu’on les adore, je me serais passée de les entendre encore sur ce tour 2024. Pour changer un peu….


Texte & photos AnnLu Fossier

* C'est une belle journée pour une Guinness

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Excellent résumé on y est ,a Edimbourg la fosse était active et la salle magnifique.

Anonyme a dit…

Laurent stranglers

soniceinparis a dit…

J'étais donc à RAH mardi soir pour fêter les 50 ans du groupe. Arrivé à Londres vendredi soir, j'ai pu profiter de cette ville pendant quelques jours. Après Paris, c'est la ville de mon cœur. J'ai pu visiter quelques disquaires pour rapporter quelques souvenirs car on retrouve désormais les mêmes vinyles partout dans le monde. Dans les années 80, on dénichait des pépites introuvables à Paris. Les temps changent.

Alors mardi soir, j'ai pris le bus 9 de Covent Garden au RAH. Sous la pluie, temps typiquement anglais. Je suis arrivé vers 18h30, les fans faisaient déjà la queue pour entrer dans ce lieu mythique. Je suis toujours impressionné par cette base de fans que les Stranglers ont depuis des années, c'est pourquoi j'aime aller au concert des Stranglers à Londres.

Un bon verre de vin blanc, un sandwich au saumon, un tour au stand merchandising, j'ai acheté le T-Shirt de la tournée, 4 pins et un tote bag. J'étais bien placé, assis juste à côté de la fosse.

À 20 heures pétantes, les Stranglers sont arrivés et ont joué leur premier set. Incroyable ! Très bonne qualité sonore, belle énergie, les claviers de Toby étaient présents dans le mix. Comme la basse de JJ. Genetix, Down in The Sewer, Princess et même Breathe ont été pour moi des sommets.

Fin du premier set, super ambiance, entracte de 30 minutes, histoire d'aller me soulager aux toilettes.

30 minutes plus tard, les Stranglers revenaient pour le deuxième set. 18 pièces légendaires. Tout était parfait, le groupe vit bien. La complicité de JJ & Baz ne fait aucun doute.
Points forts : WWW, Dagenham Dave, Threatened, 5 minutes, White Stallion, Tank et bien sûr No More Heroes.

Plus de 2 heures de bonne musique, super ambiance. Le concert est terminé, vivement le prochain à Londres et Paris le 9 octobre.
Je sors du RAH, il pleut, alléluia, je trouve un taxi, je rentre à l'hôtel. J'ai passé un bon moment.

Vive les Stranglers.

Bladerunner a dit…

Très beau travail agrémenté de photos superbes, merci

Anonyme a dit…

Review très complète et intéressante y compris avec l'atmosphère ressentie , et toujours de superbes photos! Merci AnneLu.
Juneinblack