dimanche 9 juillet 2023

Dario Mars, fan des Stranglers : "entendre La folie chanté par JJ m'a évidemment rapproché du gars et du groupe !"

 Interview de Dario Mars réalisée par Stéphane

Nous avons le plaisir de vous proposer une interview de Renaud Mayeur alias Dario Mars. Un artiste belge fan des Stranglers qui a joué dans de nombreux groupes et qui compose également des musiques de film. 
Une belle rencontre avec un homme authentique qui vient d enregistrer un titre avec JJ.  En attendant la sortie du prochain album dont nous parlerons cet automne, merci encore à lui pour nous avoir accordé un peu de son temps. 

 
Bonjour Renaud, nous sommes très heureux de t’accueillir sur notre blog. Encore merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. Dans un premier temps , je te propose de te présenter : un peu d’infos biographiques avant d’échanger ensemble sur ton parcours artistique! 
Alors qui es-tu Renaud Mayeur ?

Bonjour Stéphane, et bonjour à tous.

Je suis devenu musicien au fil du temps, j'étais un gamin turbulent qui habitait en Wallonie, près de la frontière française en Belgique.
Je suis vite parti habiter Bruxelles, très jeune, la Wallonie est une région pauvre, au passé industriel et minier, comme la Picardie. J'ai souvent eu "dirty old town" des Pogues en tête ado, les canaux, les usines fermées, l'ennui....
Devenu musicien parce que c'était le rock qui me bottait, gueuler que j'existais, j'ai joué dans des groupes rock, fait la manche dans le métro, expérimenté à peu près toutes les drogues et couru après les filles. Ce n'est pas la musique mais le rock qui était le moteur, le diapason d'une façon de vivre...Pas très original. Et quand j'y repense, pas franchement enrichissant comme quête. Le sempiternel "sex drugs and rock'n'roll", mais me suis bien amusé, comme toute notre génération, faut le dire ! 
J'ai eu un groupe qui a un peu fonctionné  (quelque-part entre Motorhead, les Stooges et Rose Tatoo). On a fait 3 albums, puis j'ai atterri dans LA Muerte, un OVNI belge qui s'est imposé à l'international, à l'époque. Puis j'ai fondé un power trio qui a pas mal fonctionné quelques années : Hulk ... Bref , j'ai eu des hauts et des bas, mais des années fastes à ne faire que tourner et, dans les creux, des petits boulots : bâtiment, bars, etc. ..
Plus tard, la musique de film m'est tombée dessus, grâce à Bouli Lanners, qui m'a demandé de composer la BO d'Eldorado, j'ai depuis enchaîné une dizaine de films.
 
 
Tu as voulu jouer très jeune de la musique ; Je crois savoir que tu as appris quelques temps la batterie avant de t’initier à d’autre instruments dont la guitare. Pourquoi avoir envie de taper sur des fûts si jeunes ? Trop plein d’énergie ! ?

Exactement, l'envie de boxer mon père, ce qui n'aurait été qu'un juste retour des choses, si tu me suis bien.
 
 
D’ailleurs puisque nous parlons batterie, tu as un faible pour quel batteur ?

J'ai longtemps eu un faible pour les batteurs genre Dennis Thompson (du mc5), Mitch Mitchell, Keith Moon, ces batteurs sixties qui swinguaient et en faisaient des caisses. Mais, avec le temps, plus pour des gars comme Jet Black, ou pour illustrer le less is more ultime : Charlie Watts:faire ce qu'il faut, ni plus ni moins. 


Renaud, quel a été ton premier groupe ?  Toujours ému, voir nostalgique en y pensant ?

Knife Clatter, ému, un peu, c'étaient  les "années guitare". Mais nostalgique? Non, faut regarder devant :-).

 
 
Au fait pourquoi Dario and the Guillotines ? Drôle et Étrange comme nom de groupe ?
 
C'est plus un collectif que je leade avec mon pote David Kostman (basse-guitare-piano, etc.). C'est un nom atypique pour un truc atypique. On a bossé sur des BO, on a eu deux albums avec une chanteuse avec laquelle on tournait beaucoup... On crée des trucs, on enregistre, on cherche ! Ici par exemple, on défend un ciné concert sur des images sublimes d'un duo de réalisateurs français (Hélène Cattet et Bruno Forzani).


Tu te rappelles de la première fois où tu es monté sur scène ?  Chaud ?

Oui, très bien. À 14 ans avec un groupe punk dont j'ai oublié le nom. Gros trac qui s'est mué en énergie et en bien être dès la première note !


Tu avais un frère musicien également, j’imagine que ce dernier devait à sa manière, t’influencer un peu : quel style de musique écoutait-il ?


C'est lui qui m'a fait découvrir les Stranglers, il adorait. Moi, j'écoutais Motorhead, AC/DC, les Pistols, du bien gras pour ado prépubère en ébullition...ha ha. Fallait que ça bastonne... Mais, de sa chambre à côté de la mienne, j'entendais des trucs plus mystérieux, plus subtils, dont les Stranglers, DEVO, aussi Ian Dury, les Specials... (get a) grip (on yourself) m'a beaucoup secoué, un ovni, une atmosphère trouble, venimeuse, un "chant" vicelard déclamé sur des arpèges grandiloquents, une section rythmique primitive ultra efficace (tu m'étonnes!...), des chœurs envoûtants... C'était riche et tranchant comme une lame. J'aime toujours autant ce titre, peut-être même plus encore aujourd'hui.


Tu évoques souvent ton gout pour les westerns. La TV des années 70 n’en manquait pas. Côté France, nous avions régulièrement les John Wayne sur FR3 le mardi soir ! Et les autres films aussi, avec les seconds couteaux qui ne riaient jamais, du style James Coburn ou Lee Van Cleef ! Sans oublier Richard Widmark, en Davy Crockett du côté de fort Alamo, ou les séries avec le grand Steeve Mc Queen et  l’éternel Joss Randall au fusil à canon scié …… ça te faisait rêver comme tant d’autres gamins de l’époque ?

Poser la question c'est y répondre. Ah ben oui ! On a grandi devant ces tragédies grecques qu'étaient "le train sifflera trois fois", ou "last train to gun hill", l'homme face à la mort , son destin, la lâcheté des autres, leur malveillance. Ça me fascinait comme les autres gamins. Oui, même si ça a conduit à une fascination pour les armes chez beaucoup, dont je fais partie. Mais c'est passé...ha ha.


Moi je faisais une fixation sur les carabines « winchester » en général et le cheval noir de James West en particulier, et toi tu avais un truc qui te branchait à l’époque ?

Moi c'est le colt NAVY 1851, le colt à carcasse ouverte du "the good , the bad and the ugly". Il est magnifique. Il y a actuellement des répliques italiennes bon marché que je me suis empressé d'acquérir !


Mais tu aimes aussi les western « spaghettis », pourquoi ?


Ce sont ces mêmes ingrédients, mais l'esthétique est différente, plus léchée. C'est plus immoral aussi, plus drôle, plus cruel, plus latin...ha ha. Puis l'époque a fait que le surf rock ou psychédélique, à la fin des sixties se sont avérés être des musiques parfaites pour ce genre de délire !


Sergio Leone était un génie ?


Dans son créneau, sans aucun doute. Disons qu'il a eu une vision précise de ce qu'il voulait. Et déjà rien que ça, ça mérite le respect. Il n'est pas dans l'imitation, le commerce ou le compromis. (ça colle bien aux men in black aussi tiens cette phrase)


Tu n’as pas vécu directement le mouvement punk mais tu avais bien quelques groupes préférés ?

Oui , The Damned, The Saints (qui vont de paire...ha ha), les Buzzcocks, les Pistols (ne serait-ce que  pour l'incroyable never mind the bollocks), The Jam , The Stranglers (évidemment), comment ne pas penser à the Stooges, MC5, au Velvet Underground et les Sonics entre (de nombreux) autres pour les précurseurs de la déferlante des seventies, c'est le rock dans ce qu'il a de plus primitif, de plus beau peut-être...sans doute :-).


Le post punk ou la transition avec des truc plus gothique ou cold wave t’a intéressé ?


Oui, c'était plus ma génération,  j'avais 12 ans en 83: Bauhaus, Joy Division, Siouxie and the Banshees et Echo and the Bunnymen. Il y avait une chiée d'excellents groupes: Cure, Virgin Prunes, The Sisters of Mercy. Tous les groupes que je viens de citer sont excellents , même si certains albums ont plus mal vieilli que d'autres...


Et puis les Stranglers sont arrivés dans ta vie de jeune rocker, comment se fait la rencontre ? Un groupe déjà ancien pour l’époque mais qui s’imposait à tous, y compris physiquement !

Comme je t'ai dit, par mon frère d'abord. Et des potes français marseillais, qu'on voyait en été en camping...ha ha. Fans éperdus,ils nous parlaient de JJ comme d'un héros surnaturel qui jouait de la basse comme un dieu (notamment avec ses poings) et assommait les casse-couilles pendant les concerts :-)). Y'avait pas internet, il nous faisaient des K7 qu'on écoutait religieusement en boucle de retour en Belgique...des images apocalyptiques plein la tête :-)


Un groupe anglais avec un Français dedans, c’était plutôt rare. Tu as été sensible à cette particularité ? Pour nous autres, JJ était une icone doublée d’une légende. Il y avait les Stranglers et JJ Burnel en plus ! Et toi, qu’en pensais-tu ?

Je suis francophone et j'ai grandi avec la culture française: la  littérature, les chaînes de télé, les groupes, l'humour (De Funes, Coluche, Desproges, Jean Yanne, etc. etc.) et entendre La folie chanté par JJ m'a évidemment "rapproché" du gars et du groupe !


Un disque en particulier te plait plus que les autres ?


J'hésite entre Rattus Norvegicus et The Raven. Mais, récemment c'est Feline qui tourne le plus. Ces disques ont ceci de particulier qu'à chaque époque de ma vie, je les perçois différemment.


Les Stranglers aiment aussi les ambiances musicales de type BOF sourcées «Ennio Morricone ». Tu sembles désormais t’orienter vers des chose plus calmes, voir plus cinématographiques, c’est l’âge où ce sont les conséquences de tes soucis de santé (assez graves j’ai cru comprendre)
Maintenant ça va mieux ?

Les deux. L'âge m'a évidemment assagi et mené vers des choses plus "paisibles", qui parlent à l'âme plus qu'aux tripes. Et oui, les excès ont bien failli me tuer. Mais, apprendre est quelque chose dont on ne se lasse jamais. J'apprends le piano, le solfège, un peu de jazz. Et franchement, je m'éclate. Ça enrichit beaucoup mes compos et aiguise l'oreille. Que du bon quoi :-)


Tu as invité JJ Burnel sur un titre de ton futur album, parle nous de cette collaboration. Quel est le point de départ ?
Un fantasme, c'est un de mes héros et j'en ai très peu ! Me suis dit,  je tente, on verra bien !
Un jour, il m'a appelé et m'a dit qu'il aimait bien le titre, voilà, simple !


Son évolution musicale, ses envies (peut-être) et son « phrasé » toujours si « franglais » pourrait l’orienter désormais vers des choses plus intimistes, tu aimerais lui proposer d’autres formats ou d’autres ambiances musicales ?

J'adorerais lui composer un album, oui, sur lequel il poserait ses textes. Je lui en ai déjà parlé, il n'a pas dit oui,.. mais il n'a pas dit non! Je prépare des maquettes et lui enverrai quand sa tournée sera derrière lui.


Tu as été et tu restes un grand fan des Stranglers, pas facile j’imagine de trouver la bonne distance avec celui dont tu écoutais les disques pendant ta puberté ! ?


C'était extrêmement difficile (pour moi) de le ..."diriger"... J'ai dû poser un cadre, lui expliquer comment j'entendais le titre, mais il a été très cool et humble. La marque des tout grands.


Tu connaissais évidemment ses deux albums solos et ses diverses productions du côté de Bruxelles. Il a toujours été sensible à ce qui se passait en Belgique où d’ailleurs les Stranglers sont demeurés très populaires et très appréciés. Aujourd’hui que se passe-t-il sur le plan musical du côté wallon ?

Évidemment, Euroman cometh a d"ailleurs été une influence pour ce titre (notamment la façon désincarnée de JJ de chanter).
La Scène rock côté wallon ? Beaucoup de choses mais qui se bornent souvent à singer les anglo-saxons (stoner rock radiophonique, métal taillé pour le hellfest, etc). Il y a par contre des gars géniaux comme Jêrome Mardaga et son projet ambient Thamel, My Diligence (trio stoner psyche  génial , un OVNI), Sonor,(groupe bruxellois vraiment très bien) Ou encore Kamikazee, de Jeremy Alonsi (ex experimental tropic blues band) un one man band sous LSD qui vaut le détour...


Les studios ICP , ça te parle j’imagine ?

Oui, j'y ai enregistré il y a une dizaine d'années. C'est un studio incontournable ici !


On peut espérer te voir an France prochainement ?

Ah ben oui, j'y vais régulièrement: Côte d'Opale, Paris, ou dans le sud!


Dernière question : un « cht’i reste un cht’i alors à quand le rattachement de la Wallonie à la France !!!!???

Alors là , écoute moi bien : le plus tôt sera le mieux !
Sans flagornerie aucune, la Belgique est un non-pays. La Wallonie et la Flandre sont deux régions très très différentes, aux mentalités opposées, et je suis partisan d'un rattachement depuis toujours. Reste à décider du sort de Bruxelles, située en Flandre mais francophone à 90%, ce cas de figure suffit à lui seul pour donner une idée de ce qu'on essaye de faire ici depuis bientôt 200 ans: enfoncer un carré dans un rond...ha ha ha. En résumé, si tu as compris quelque chose à la Belgique, c'est qu'on t'a mal expliqué !

Merci Stéphane. Bise à tous !



_____ __ _

Aucun commentaire: