jeudi 19 novembre 2020

”Euroman cometh” l'astre électro de JJ

La période est d’une certaine manière , propice à l’introspection ! A l’exploration des étagères et des armoires, à la lecture de vieux articles ou à la redécouverte de galettes qui réclament à nouveau le passage gourmand d’un saphir impatient de tracer son sillon ! 
Nous avons décidé de vous proposer une double chronique consacrée aux deux albums solos de JJ. Nous commencerons donc par ”Euroman cometh”, premier disque solo de JJ sorti il y a plus de 40 ans ! 

Nous aurons également le plaisir de publier prochainement une réflexion de Jim McCauley au sujet de la crise du Covid en Angleterre et de son impact sur la scène culturelle britannique. Puis viendra le temps , d’ici Noel , de parler d’Un jour parfait ! En attendant, retour rétro sur l’ovni électro de JJ.


Il y a des disques que vous aimez spontanément. Comme un coup de cœur, une vibration qui fait écho au plus profond de vous même, sans d’ailleurs savoir exactement pourquoi. Il y a alors comme une résonance heureuse et positive du côté du siège des affects. Le plexus se gorge d’un plaisir égoïste et le manque se fait vite ressentir une fois que  la pointe du saphir finit sa course, la tête déjà relevée
Et puis il a les disques que vous savourez avec le temps et qui se bonifient une fois que la patine des écoutes fait son œuvre. Parfois laborieuse, l’appréciation de ces chansons qui ne s’impriment pas spontanément finissent par trouver leur chemin et procurent alors une joie incommensurable à ceux ou à celles qui prennent la patience de fureter dans les sillons de ces titres qui se font désirer
Enfin il y a ceux que vous n’aimez pas et qui, malgré le passage du temps, ne trouvent pas leur place dans votre classement intime.
Euroman Cometh, l’album solo de JJ Burnel, sorti en avril 79, a bien failli rester définitivement dans cette troisième catégorie. Acheté quelques années après sa date de naissance, je n’ai rien compris à cet ovni sonore. Un peu comme pour le ”Sandinista ” des Clash, je restais à quai et n’avais nullement envie de communier avec ce que je considérais être, à un ou deux titres près, du remplissage pour du remplissage. Bref, pas de déclic  pour un disque qui, probablement, m’intimidait, voire  me dépassait dans mes repères musicaux du moment,
Mais pour Euroman Cometh, il y avait malgré tout, comme un petit air d’y revenir et qui m’invitait à ne pas rester bêtement en circonvolution autour de la comète électronique de JJ.
 
La superbe pochette qui  le dévoile, tout de noir vêtu, devant le monumental Centre Beaubourg ne pouvait pas non plus me laisser insensible. Minuscule au pied de l’édifice ”pompidolien”, JJ semble défier ostensiblement cet assemblage architectural moderniste et populaire  destiné à raffiner les esprits.
Mais le déclic se produisit seulement en 1985, dans le cadre d’une émission des ”Enfants du rock” spécialement dédiée aux Stranglers. Un reportage, un vrai qui prenait le temps de présenter le groupe et qui m’offrait l’opportunité de ré-écouter, entre autres, le morceau ”Euroman” décliné par un JJ en tenue ”blues brother” (le sourire en moins !) sobrement épaulé par son fidèle Dave. Dans un lieu que j’imaginais universitaire et qui voyait se conjuguer tradition et élégance, JJ interprétait avec cette voix si caractéristique le morceau éponyme de l’album. Une claque devant ce duo énigmatique, déclinant un titre faussement calme et aux paroles sulfureuses. J’avais mordu à l’hameçon....
 
Album concept, axé sur sur le thème d’une l’Europe politique mise à distance de Moscou comme de Washington et bricolé pendant les séances d’enregistrement de Black and White, ce disque réussit le tour de force d’être à la fois minimaliste sur la forme mais dense en terme de message sur le fond. Avec des claviers presque enfantins, une basse parfois tendue ou parfois bourdonnante et enfin doté d’ une boite à rythme qui rendrait presque sophistiqué celle des Beruriers noirs, le disque invite à table les New-Yorkais de Suicide et les Allemands de Kraftwerk.
 
Expérimentale et avant-gardiste, l’œuvre se décline en mode multi-langue au détour d’une  atmosphère culturelle délibérément européenne. Chanté en français (une première), en anglais et en allemand, le projet est qualifié, d’après JJ lui même, ”d’euro rock”. Entièrement écrit et composé par lui même et produit par Alan Winstanley (sauf ”Pretty Face” des Beat Merchants et le texte d’Ozymandias qui est un poème de Percy Shelley), l’album est au final un bricolage aussi astucieux qu’ambitieux. Peut-être trop d’ailleurs pour un public britannique qui écoute d’une oreille dubitative les couplets euro militants  du bassiste alors que s’annonce parallèlement l’avènement d’une grande révolution conservatrice via l’élection de  Margareth Tatcher.  Une collision politique et culturelle doublée d’une déflagration sociale qui, en terre insulaire, donnera autant de bonnes ou de mauvaises raisons de bouder une œuvre décidément sortie trop tôt,
Hybride dans son assemblage, mêlant un côté tripatouillage version ”Lo Fi” et une volonté de tordre le coup à la mode disco du moment, ”Euroman cometh” est comme un astre sombre qui graviterait avec malice  et élégance autour de Pluton !



A noter dans la track list :
-”Tout comprendre” qui, avec un refrain en français, semble sortie tout droit d’un kit ”Fisher Price” avec touches multiples directement connectées sur  ”Enough Time” pour l’ambiance peu rassurante ;
-”Jelly Fish” ritournelle entêtante qui voit JJ dresser des guirlande avec sa guitare, tout autour d’un refrain ”catchy” qui donne un semblant de joie à un disque peu porté sur l’amusement ;
-”Triumph of the Good City” célèbre le culte de la marque de moto  préférée de JJ. Mariage heureux d’un pot d’échappement et d’une boite à rythme toute en retenue, légère et délicieusement polluante. Les nappes de claviers ornent l’ensemble d’un climat synthétique étrange qui contraste avec la berceuse motorisée du tuyau d’échappement qui charpente, sans panne, l’ensemble de l’instrumental.
-”Do the European” avec son intro décomposée très Stranglers, une basse en mode  rails porteurs et quelques notes de synthé déconcertantes de simplicité qui appellent le chef de gare à démarrer le projet de parcourir le vieux continent,
Pour le reste, il vous appartiendra  de redécouvrir les autres titres qui ne manquent pas d’allure non plus !
 
Cet album qui restera confidentiel au vu du succès massif du groupe à cette même époque, s’offrira l’opportunité d’une tournée. Le succès sera mitigé et rencontrera même une certaine forme d’incompréhension du public anglais, qui venait avant tout pour écouter le bassiste des Stranglers.
Aujourd’hui, cet album est devenu culte. Il fait donc bon d’en parler, un peu comme le fameux triple album des Clash. Pour ma part, loin de suivre un  quelconque phénomène de  branchitude, je prends plaisir à ré-écouter ce qui a constitué, à l’époque, un pari artistique osé et décomplexé. A coups de nuits blanches et de bidouillage sonore entre potes, le premier album solo  de JJ a su garder, malgré son aspect quelque peu rudimentaire, un charme délicieusement désuet. Il y a un ”son”, une réelle originalité artistique  et un goût toujours aussi prononcé pour provoquer le débat.
Philippe Katerine, jamais à court d’idée pour se faire remarquer, a d’ailleurs repris le titre ”Euroman” dans un album de potacheries sorti en 2011 sous le pseudo de Francis et ses peintres. Comme quoi, le débat reste ouvert jusqu’à maintenant.
 
Lors de sa réédition en CD par le label Eastworld recordings (1998), 10 titres ont été rajoutés : la face B du 45 t Freddie Laker et un concert enregistré à Hemel Hempstead.
1. Ozymandias
2. Ode to Joy/Do the European
3. Deutschland Nicht Uber Alles
4. Eurospeed
5. Crabs
6. Tout Comprendre
7. Freddie Laker (Concorde and Eurobus)
8. Jellyfish
9. Triumph (of the Good City)
10. Euroman

9 commentaires:

Anonyme a dit…

bravo Stef !!! Bel article...
Youz

Feline a dit…

Quel hommage à cet album capiteux et entêtant, pareil au parfum d’un premier amour qui nous retrace l’itinéraire version rétroviseur.. Tout comprendre ?
Féline

Unknown a dit…

Wassup Stranglers fans from Frogland! Je m'appelle Eric, je suis franco-americain fans des Stranglers depuis toujours, savez-vous comment je peux me procurer "Euroman Cometh" en vinyl ou CD si c'est possible. J'ai tout essaye'.
Take care!

Stranglers France a dit…

Bonjour Eric,
Regarde ici, peut-être y trouveras-tu ton bonheur : https://www.discogs.com/fr/sell/release/374430

Unknown a dit…

Merci mon ami, I sincerely appreciate it.

Eric de Denver a dit…

You rock Dude! Merci mon ami!
I am on a quest now!

Unknown a dit…

sinon il y en a en vente d'occasion sur ebay. Cécile

Anonyme a dit…

Bonjour Eric. En ce qui concerne l' achat de l'album, en recherchant sur internet, je suis tombé sur ce site : https://www.cdandlp.com/j-j-burnel/euroman-cometh/album/
A voir, si toujours disponible à la vente.

RV

Unknown a dit…

I must be thick, I have the hardest time to order it. I want to frame it!