Stranglers France: Roger-Marc Vande Voorde : "Nous avons eu la chance que Jean-Jacques nous accorde son amitié"

Stranglers-France est très heureux de vous proposer une interview exclusive du leader et compositeur du groupe "Polyphonic Size", Roger-Marc Vande Voorde.

Polyphonic Size, Formation "conceptuelle" à géométrie variable, produit entre autre par JJ Burnel, a été un groupe de rock électronique de première importance au début des années 80.

La scène belge de cette époque, carrefour musical entre l’Europe du nord et celle du sud proposait en effet de nombreux groupes originaux et créatifs.

Après avoir croisé Roger-Marc au dernier concert des Stranglers à Lille, il nous est alors paru intéressant de reprendre contact avec cet artiste à part, touchant et immensément sympathique. Merci à lui d'avoir accepté de répondre à ces quelques questions. A suivre, l'interview agrémentée de photos originale.

Pouvons-nous avoir de vos nouvelles ? Qu’avez-vous fait entre la sortie de la compilation « The Prime Story » en 1991 et la séparation officielle du groupe, et aujourd’hui ?
C'est vrai qu'en 1991, après 12 années de péripéties musicales, j'ai mis la clef sous le paillasson car le groupe n'était plus viable financièrement et que ma famille s'était agrandie avec la naissance de notre première fille, Alice, suivie quelque temps plus tard de Mandy. J'ai alors switché mon expérience des ordinateurs musicaux vers des ordinateurs "professionnels", la transition n'a pas été difficile : un programme informatique n'est qu'une série de boucles tout comme un morceau de musique électronique est une série de loops couplet - refrain - break - couplet - refrain - etc... J'ai alors commencé à travailler pour IBM en 1993 jusqu'à ce jour.

Polyphonic Size est remonté sur scène, notamment lors de la convention 2011 des Stranglers. Y a-t-il d’autres projets de concerts ?

Suite à une demande de plus en grande, nous avons en effet remonté le groupe en 2010 pour quelques concerts. Jean-Jacques est venu nous prêter main forte pour 2 concerts à Bruxelles en juin 2010 et en août 2011, il y a chanté "Je t'ai toujours aimée" et " Winston and Julia" de P.Size mais nous avons aussi interprété "European Female" des Stranglers et "Do the European" de son album solo "Euroman Cometh". En avril 2011, nous avons assuré la première partie des Stranglers lors de leurs concerts en Belgique et enfin, nous avons effectivement participé à la Stranglers Convention à Londres en novembre 2011. C'est à ce jour le dernier concert donné par P.Size et aucun nouveau concert n'est actuellement prévu.

La nouvelle chanson française (Dominique A, Philippe Katerine, Feu Chatterton !) s’est emparée d’un des titres de votre premier album : « Je t’ai toujours aimée ». Dominique A a même déclaré que ce morceau l’avait inspiré pour son premier album « La fossette ». A ce titre, avez-vous l’impression d’avoir joué un rôle dans le renouveau de la chanson française ?
Je n'aurais pas la prétention d'aller jusque là mais je suis heureux d'avoir pu apporter notre grain de sable sur la vaste plage de la musique électronique et d'une autre vision de la chanson française.

Pouvez-vous nous raconter l’histoire de la création de ce morceau ? Nous croyons savoir qu’il est arrivé un peu au dernier moment dans le processus d’enregistrement…
En effet, nous étions au dernier jour de mixage de notre premier album "Vivre pour chaque instant / Live for each moment" quand la maison de disque est arrivée en fin de journée pour écouter le mix final. Ils nous ont dit : "Mais il n'y a que 8 morceaux ?". C'est vrai que cela faisait un peu juste pour un album vinyl. Jean-Jacques m'a regardé et m'a dit : "Viens". Il a branché sa basse et moi un clavier, nous avons programmé la boite-à-rythme TR808 avec un seul pattern et Jean-Jacques a sorti de sa basse un riff dont il a le secret ! Nous avons fouillé dans les dizaines de textes que notre parolier, Dominique Buxin, nous avait déjà envoyé pour de futurs morceaux et nous sommes tombés sur ce texte magnifique. Le morceau a été composé, enregistré et mixé en 45 minutes !

En 1989, vous êtes partis enregistrer un nouvel album à Cambridge avec JJ, album qui n’est finalement sorti que sous forme de maquettes dans « The Prime Story ». Que s’est-il passé ? Y a-t-il une chance, un jour, de vous voir reprendre et sortir cet album fini ?
De retour en Belgique avec les démos, aucune maison de disques n'était intéressée, trouvant que Polyphonic Size n'était plus dans l'air du temps.... Nous avions pourtant des morceaux que nous aimions particulièrement et nous avons décidé d'autofinancer la compilation "The Prime Story" en y intégrant les morceaux les plus aboutis. A l'époque, les sessions d'enregistrement étaient capturées non pas sur ordinateur mais sur des bandes magnétiques 16 ou 24 pistes et je n'ai malheureusement aucune idée d'où peuvent bien se trouver ces bandes...

Vous avez deux filles qui sont aussi musiciennes, Les avez-vous poussé dans cette voie ? Est-ce un sujet de fierté, d’inquiétude ou autre pour vous ?

Leur amour de la musique leur est venu naturellement, les chiens ne font pas des chats ;). Il est vrai qu'il y avait toujours des musiciens à la maison, des instruments dans toutes les pièces et que cela a probablement dû les influencer mais elles doivent leur talent musical à leur propre travail et leur persévérance. C'est bien sûr une immense fierté quand des "élèves" dépassent à un tel point le "maître" et c'est un immense bonheur de pouvoir partager avec elles sur scène toutes les émotions que nous donne un public.

En France, Polyphonic Size est essentiellement connu des spécialistes de rock et musiciens quinquagénaires, en est-il autrement en Belgique ?
C'est un peu la même chose en Belgique, bien que les jeunes musiciens de musique électro reconnaissent et respectent notre travail dans les années septante-dix ;).

Votre site web officiel est particulièrement bien fait et intéressant. Pouvez-vous nous parler de ce Philippe Doro qui en est le webmaster ?
Philippe est un artiste graphiste qui était fan du groupe. Il avait créé un premier site web consacré à Polyphonic Size de sa propre initiative puis m'a contacté dans le courant des années 90 pour me rencontrer, recueillir plus d'informations, des photos, affiches, démos, etc... et a redesigné le site actuel. Il vit actuellement à Bruxelles et nous le considérons comme l'exécuteur testamentaire de P.Size ;) tant il possède d'informations et de reliques sur nous. [NDLR: voir Beyond Polyphonic Size]

Une question de fan de Stranglers : aviez-vous des contacts, à l’époque de Polyphonic Size, avec les autres membres du groupe anglais ?

Oui, bien sûr. Les Stranglers sont venus plusieurs fois à Bruxelles pour y enregistrer. Nous allions souvent au studio pour les saluer et bien avant leur venue à Bruxelles, nous avons eu la chance que Jean-Jacques nous accorde son amitié (depuis 1978) et nous étions toujours invités backstage lors de leurs concerts en Belgique, en France et en Angleterre.

Avez-vous un disque préféré, une époque ou un événement qui vous a marqué au sujet de ce groupe légendaire ?
C'est difficile tellement il y a des perles sur chacun de leurs albums mais je dirais "Black and White".

Aujourd’hui, les Stranglers connaissent un succès populaire et massif, partout et toute générations confondues. C’est d’ailleurs la même chose pour les Damned ou Stiff Little Fingers ou d’autres groupes de cette époque. Que pensez vous de ce phénomène ?
Ce n'est que justice. Il est souvent difficile d'être précurseur dans un style de musique et ce n'est malheureusement, tout comme en peinture, que des années plus tard que le "grand public" reconnait le travail des créateurs.

Un dernier mot : possible de vous voir prochainement en concert en France ?
Malheureusement non, il n'y a absolument rien de prévu à ce jour mais il suffit parfois d'une opportunité pour "raviver le feu de l'ancien volcan que l'on croyait trop vieux" ;).