Nous commencerons donc cette escapade made in « Rock-Interviews » par un entretien de Jean-Jacques Burnel réalisé le 9 juin 2007.
Nous remercions chaleureusement Anne-Marie MONDAN, responsable de cette édition, sans qui tout ceci n'aurait pu être possible.
Quels sont les 3 mots qui pourraient symboliser les Stranglers ?
Pourquoi suis-je limité à trois mots ? Tant que je veux ! éclectique, violent, physique, intellectuel, mélodique, rythmique, prérogative et européen.
Tu t'es assagi avec le temps ? Ou bien es-tu toujours aussi révolté ?
Je suis révolté mais je contrôle ma révolte. J'ai beaucoup plus de sang-froid. Ceux qui veulent me provoquer en concert ont beaucoup plus de travail à faire maintenant pour me provoquer et la plupart du temps cela me fait sourire ou même rire, jusqu'à un certain point...
Le public est plus calme ?
C'est peut-être par respect; on a gagné les batailles qu'il fallait gagner. On n'a pas besoin de prouver qu'on a un droit à exister, mais juste de prouver qu'on peut continuer à produire de la musique de qualité qui a des rebondissements sur le public.
Comment s'est passée votre dernière tournée française (du 24 mars au 07 avril 2007) ?
Très bien. J'étais très content de cette tournée, mais très fatigué aussi. Pour la première fois, on a accepté de jouer dans les forums Fnac de la plupart des villes où on jouait le soir même et cela a un peu vampirisé mon énergie !
Du coup après un concert à Caen (on devait, Baz et moi, voyager avec l'équipe pendant la nuit pour arriver à Paris et faire une émission chez Nagui à 8h00 du matin sur Europe 2 ) la veille j'étais trop fatigué, et comme on devait arriver à Paris à 5-6 heures du matin, dormir 3 heures et faire l'émission de radio je me suis excusé auprès de Nagui, je lui ai dit non, on ne va pas faire l'émission, on préfère dormir pour être en forme pour jouer le soir (l'objet de la tournée était de bien jouer le soir, tout le reste était un peu marginal à côté) et ce gars Nagui a dit pendant l'émission : les Stranglers sont trop fatigués pour jouer, n'allez pas les voir ce soir. Ça c'est assez provocateur... un poing dans la gueule, un coup de genou dans les boules si je le vois... Je ne comprends pas... ces gens-là n'ont jamais voyagé et joué tous les soirs, ils n'ont jamais fait de tournées et ne savent pas ce que c'est que de se donner au public...
Comment s'est passée votre collaboration avec les BP ZOOM, votre première partie ?
Très bien. Ce sont des jeunes de Lille qui jouent très bien, pas de problème ! On a fait leur initiation... la dernière soirée. Dans le temps on faisait toujours des blagues pour le premier groupe ; cette fois, Baz et moi on s'est complètement déshabillé pendant qu'ils jouaient et juste avec nos Doc martens, on s'est présenté sur scène en faisant un passage complètement nus ... et ça les a choqués... C'est toujours bien...Une autre fois on a commencé à démonter la batterie du batteur d'un groupe qui faisait notre première partie pendant qu'il jouait. C'est marrant, c'est de l'humour anglais !
Jet Black n'a pas pu assurer la dernière tournée en France, comment va-t-il maintenant ?
Non. Jet va légèrement mieux puisqu'il a joué en Espagne avec nous le week-end dernier mais le lendemain lorsque nous sommes arrivés à l'Ile de Man pour « Mad Sunday », le dimanche fou du TT « Tourist Trophy » il n'a pas pu assurer le concert. Il va mieux, mais tu sais Jet a 67 ans quand même et il a vécu le rêve Rock'n'roll « hardcore » et maintenant il y a desretombées bien entendu...On fait pas mal de festivals cet été et il va jouer avec nous ce qu'il peut. Heureusement il a préparé son dauphin, son roadie, Ian Barnard, qui a fait plus de 250 concerts à ses pieds, donc il connaît chaque frappe, il a 23 ans je crois, et il assure quand Jet ne peut pas le faire.
C'est vrai que Jet est le plus vieux punk rocker anglais encore en activité ?
C'est le plus vieux batteur en activité, je dirais ! C'est le plus vieux musicien en activité ! Il apporte quelque chose de très spirituel au groupe à part aussi son jeu. Il y a 30 ans les punks ne pouvaient rien dire contre lui, ils n'osaient déjà pas. Jet avait un énorme respect de tous les batteurs et de tous les musiciens d'ailleurs...
JJ as-tu des contacts avec des musiciens français et connais-tu le rock français actuel ?
Non, je ne connais pas beaucoup de groupes de rock. Je suis dans mon petit monde Stranglers la plupart du temps. J'essaie de m'évader pour voir ce qui se passe et je produis des petits groupes. Il y a une bonne scène musicale en Angleterre en ce moment. J'essaie de m'impliquer un peu, de savoir ce qui se passe mais je vois que cela n'a pas beaucoup évolué en fait.
Les Stranglers en 2007 sont considérés "cutting edge et modernes" (avant-gardistes et modernes), cela a moins d'effet sur nous que sur la scène musicale britannique ou mondiale du rock du moment. Le rock cherche de nouvelles façons de s'exprimer.
Dans les thèmes abordés dans votre dernier album « Suite XVI » lequel préfères-tu ? (la guerre, la haine, l'infidélité, la vieillesse, le temps qui passe) ?
Je n'aime aucun de ces sujets. Je suis obligé de subir tous ces sujets : je n'aime pas la vieillesse, je n'aime pas la guerre, je n'aime pas l'infidélité. Tous les sujets sur lesquels on écrit, je ne les aime pas mais je les subis et je les vis. J'espère que je les transmets d'une façon assez agréable...
Vous avez commencé à travailler d'autres morceaux pour un prochain album ?
Oui. Comme la plupart des musiciens, j'imagine, on accumule des morceaux, des idées, parfois ce n'est qu'une étude, le bout d'une idée. On a fini la bande son d'un film qui va je crois assez bien marcher en Angleterre c'est un film de combat, de vengeance et de revanche.
Le réalisateur est un gars qui était l'éditeur de magazines de combats. Il est aussi la voix de la boxe thaï diffusée sur Sky télévision et également le commentateur en Angleterre des combats dans des cages. Il a fait un film en utilisant beaucoup de combattants britanniques et américains, de boxeurs thaï. C'est l'histoire de combats illégaux que l'on trouve un peu partout en Angleterre. Il y a beaucoup d'argent en jeu lors de ces combats. Ce sont des combats sans règles et sans gants. C'est assez marrant, c'est assez « hardcore ». On a fait la musique du film et on a préparé des morceaux qui vont peut être paraître sur notre prochain disque. Il y aura aussi des morceaux de Suite XVI dessus aussi.
Comment travaillez-vous pour composer les morceaux et qui écrit les textes ?
Dans la formation actuelle des Stranglers, c'est Baz et moi. J'ai toujours écrit des textes et des musiques. En ce moment je collabore très bien avec Baz. J'apporte une idée, il en apporte une, ça peut être un riff, une mélodie ou un rythme ou même des paroles. On travaille ensemble, on mixe le tout, et on essaie de former quelque chose de tangible, de concret. Une fois que l'on a le squelette du morceau, on l'apporte à Jet et Dave qui mettent « la viande » dessus. En répétition cela prend forme, cela devient une personne, on développe la personnalité du morceau. On a tous besoin les uns des autres...
30 ans de Stranglers, ça se fête ? Pensez-vous faire quelque chose de particulier pour marquer cet événement ?
On a plus que 30 ans ! 33 ans, j'ai 33 ans c'est pas mal...! On fait quelque chose en particulier cette année à Londres. On joue au Roundhouse le 4 novembre. Ce lieu vient juste de rouvrir. C'était ma salle préférée quand j'étais ado et au début des Stranglers. C'est là que nous avons joué avec les Ramones et Patti Smith. On était le premier groupe à jouer avec eux en Angleterre et ça fait 30 ans. On a battu les records des Who et des Stones pour les nuits consécutives au Roundhouse. On va rejouer les deux albums que l'on avait sortis il y a 30 ans à la même époque, Rattus Norvegicus et No more heroes.
Est-ce facile de trouver un équilibre entre le métier de musicien/compositeur/ interprète, la vie de famille et tes passions ?
Je n'ai plus de vie de famille donc j'ai plus de temps pour mes passions : les arts martiaux, la moto et la musique et ces derniers temps la bouffe, j'aime bien la bouffe et le vin français ! J'adore les vins bordelais, les grands crus bourgeois Margaux, St-Emilion et dans le temps j'adorais tous les crus du beaujolais Juliénas....et aussi les grands vins de Bourgogne, Aloxe-Corton... c'est pas très rock'n'roll...
J'ai remarqué que lors de vos 2 derniers concerts à Lyon (le dernier, le 27 mars à Lyon au Transbordeur) vous avez joué dans la petite salle. Vous n'aviez pas assez de réservations pour jouer dans la grande salle ?
Oui je crois. C'est un problème commercial mais qui ne me dérange pas trop. J'aime bien jouer dans les petites salles, franchement, j'adore, je m'éclate dans les petites salles ! C'est vrai qu'il y a 5 jours j'ai joué devant 10 000 personnes, la semaine prochaine devant 15 000 personnes. A Tokyo je vais jouer devant 48 000 personnes, c'est okay, on est payé en conséquence, je gagne ma vie comme ça. Cela ne me dérange pas trop si il y a un équilibre entre les grandes salles et les petites. Si cela reflète le fait que personne ne nous aime dans un certain endroit je suis désolé c'est pas de ma faute, moi je me suis donné en écrivant, en enregistrant, en concert, le reste est en dehors de mes mains !
J'ai aussi remarqué qu'il n'y avait pas beaucoup d'affichage, de promo annonçant votre concert (à part le mini concert au forum de la Fnac)....c'est voulu ?
C'est un promoteur local qui s'en occupe. Peut-être qu'il ne peut pas faire suffisamment de publicité pour que les gens sachent qu'on est là ou peut être que personne n'a de temps pour les Stranglers. Je comprends cela, on a emmerdé plein de gens depuis 30 ans, on s'est fait des ennemis.
J'aimerais mieux jouer dans la grande salle du Transbo plutôt que dans la petite mais ceux qui étaient là ont adoré et c'était plein, c'est pas un problème, ça ne m'affecte pas vraiment. Il y avait vraiment une bonne ambiance, tu voyais les jeunes femmes, les gars, tu pouvais les respirer, c'est cool...Je suis un musicien, j'ai besoin d'un peu d'ego mais depuis 30 ans mon ego a été bien satisfait et maintenant je cherche à jouer devant des gens qui veulent me voir jouer. Je n'ai plus rien à prouver vraiment.
Il y avait beaucoup d'Anglais dans la salle. En Angleterre beaucoup d'ados viennent nous voir parce qu'on est redevenu un critère, une référence, en France ils ont une image un peu figée, peut être, comme dans pas mal de pays d'ailleurs. Les commentateurs trouvent difficile de voir qu'un groupe aussi vétéran que nous peut avoir quelque chose à dire et que l'on joue aussi bien, qu'on a la pêche, ça les surprend mais je ne sais pas pourquoi.
Pourquoi jouez-vous à tous les concerts la chanson des Kinks « All day and all of the night » ?
Parce que j'adore ! Quand j'étais gosse c'est un des premiers disques que j'ai acheté et je l'ai adoré. On a eu un hit, un « Top 10 » avec ce titre. Notre version a été dans des films. C'est devenu un de nos morceaux ! On l'a interprété à notre façon. Ça marche bien !
Travailles-tu sur des projets en dehors du groupe des Stranglers ?
Oui. Je produis un groupe de Brighton qui s'appelle Teasing Lulu. J'ai aussi terminé un projet il y a 2 ans pour la télévision japonaise (qui a été diffusé ici en français) de 24 épisodes de manga. On a gagné le prix d'animation d'Osaka et de Tokyo. Pour le moment j'essaie juste de vivre cet été avec les festivals un peu partout. L'année prochaine je déménage, je vais vivre au Japon pendant 7 semaines pour préparer le prochain album et aussi m'entraîner.
Quelle est la question que tu aimerais que l'on te pose ?
Je crois que j'ai entendu toutes les questions. Celle qui me fait le plus plaisir quand je l'entends, de temps en temps, c'est pourquoi les Stanglers ne sont pas plus reconnus pour être le meilleur groupe qui soit jamais sorti de Grande-Bretagne, un des meilleurs groupes historiquement parlant.
Quelle est la question que tu n'aimerais jamais entendre ?
Il y a quelques années, juste pour m'enfoncer un peu, un journaliste anglais sur une rubrique d'un des albums, je ne me souviens pas lequel, avait mis seulement le titre de l'album, les Stranglers et seulement un mot, ça, ça m'a... Pourquoi ? Mais ce journaliste je crois qu'il est mort maintenant et son journal n'existe plus et moi je suis toujours là !
Version anglaise: Interview with Jean-Jacques BURNEL, "The Stranglers" June 9th
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