jeudi 14 septembre 2017

Rattus Norvegicus (77, année éclectique)

Il y a des années qui comptent. Un peu plus que d’autres…Voir qui comptent double et pas seulement parce que deux  mêmes chiffres se retrouvent accolés l’un à l’autre. 1977, c’est plus qu’un millésime ! C’est une année qui s’est, au fil du temps,  fétichisée, sacralisée par elle-même. Il suffit d’ailleurs de juste en épeler les deux chiffres pour en déterminer un immédiat signe de reconnaissance. C’est une trace indélébile dans le temps, un repère qui reste et restera ancré dans le cœur de tous ceux ou de toutes celles qui ont pris alors un aller simple pour Londres.
Juvénile et fulgurante, électrique et sauvage, cette année verra éclore quelques albums qui comptent parmi les plus importants de ces 40 dernières années.

Les Clash sortent leur premier album sous la forme d’un brûlot digne d’un pavé estampillé « Loi Travail ». Les Sex Pistols commettent déjà l’irréparable avec « Never mind the bollocks » tandis que les Jam publient en mai leur fameux « In the city ». Pendant ce temps les Stranglers, de leur côté, mettront les bouchées doubles avec la sortie sur 6 mois d’intervalle de deux albums qui, tels des frères siamois, se ressemblent au point de pouvoir en  faire un double. ! C’était  réellement une autre époque avec juste un an plus tôt  les sorties des premiers Ramones et Damned. Rien que ça…

En 77, le talent n’attendait pas. 
Il y avait urgence à jouer partout et à enregistrer surtout. Pour les Stranglers, jugés comme étant je cite : trop moches, trop violents, trop vieux, trop machos, trop ringards avec de surcroît  un moustachu aux claviers et un ex batteur de jazz déjà hors d’âge, la cause semblait mal engagée ! Pour autant, sans épingles à nourrices et sans sex shop comme vitrine légale, le groupe s’impose avant tout par la qualité de ses chansons. Les Stranglers, formés aux rudes exigences des pubs anglais, savent tenir une scène. Le public de plus en plus nombreux ne s’y trompe pas.


Après avoir essuyé le refus de près de 24 maisons de disques, ils signeront finalement chez United Artist le 6 décembre 1976. 
Martin Rushent assurera la production et Alan Winstanley œuvrera comme ingénieur du son de leur premier album intitulé « Rattus Norvegicus ». Une première fusée éclairante tirée en janvier 77 et  intitulée « Grip » se faufilera jusqu’à la 44ème place des charts. Suivra un autre  single « Peaches » qui achèvera de convaincre un public toujours plus large, de la valeur des compositions de ce groupe définitivement à part.

 
Leur premier album « Rattus Norvegicus » sort donc en avril 77 et grimpe directement à la 4ème place.  
N’en déplaise à la presse londonienne et aux autres groupes, le succès est incontestable. Ce disque, doté d’une pochette étrange et décalée abrite 9 titres qui détonnent dans le milieu punk du moment.
  1. « Sometimes » ouvre le bal de la plus malsaine des manières en évoquant l’histoire d’une possible paire de baffes dont il vaut mieux taire l’origine. La machine, dès les première secondes d’écoute, tourne à plein régime : une voix en colère mais dont on imagine paradoxalement tout le futur potentiel, un binôme rythmique entêtant avec un son de basse proche d’une aciérie et une petite touche de claviers sournoise et mélodique capable de crocheter n’importe quel tympan endurci. La signature musicale du groupe est là.
  2. « Good bye Toulouse »  ou le récit d’une scie musicale retro prophétique. Ce titre répétitif n’est ni un single, ni nécessairement le morceau le plus célèbre de leur répertoire mais  occupe plutôt une place équivalente aux indispensables seconds rôles vus au cinéma. Incontournable à la construction générale de l’œuvre, ce morceau addictif met à nouveau en avant le duo Dave /JJ pour mieux en définir l’empreinte sonore.
  3. « Ugly » : Tout est dit dans le titre ! Sid Vicious peut aller se rhabiller chez Viviane Westwwod, il ne jouera jamais dans la même cour que les Stranglers ! Puissante, entrainante et mélodique, cette chanson vociférée par JJ témoigne de toute la férocité du groupe. Les rafales de claviers de Dave y contribuent pour beaucoup.
  4. « Hanging around » : L’intro décomposée du morceau identifie immédiatement le son du groupe. Très apprécié par les fans,  ce titre à l’architecture classique s’imposera comme un classique de leur répertoire. Il constitue aussi la marque Stranglers, avec  cette accroche à la basse lourde et musculeuse.
  5. « Grip » : Avec sa ritournelle entêtante et sa lumineuse saillie de saxo sortie de nulle part, « Grip » aura le mérite d’être le premier single du groupe. Très souvent joué sur scène, ce titre affole toujours les premiers rangs ravis de gigoter  en cadence sur la frappe de Jet.
  6. « London lady » : Règlement de compte codé avec les médias, voir avec une scribe en juppon? Probablement mais le tout sur un tempo expéditif ou chacun règle ses comptes avec son instrument. Un single potentiel pourtant recyclé en face B  de "Grip" et qui définit le groupe comme divinement infréquentable.
  7. « Peaches » : Probablement l’une de leurs chansons les plus célèbres avec « No more Heroes » et « Always the sun ». Faux Reggae salace et métallique, porté par une ligne de basse qui pose ses verrins sur toute la durée du titre, « Peaches » est le tube définitif des Stranglers !
  8. « Princess of the streets » : Quand  JJ se laisse aller à rêvasser le temps d’une petite romance charnue et bluesy à souhait !
  9. « Down in the sewer » :  La cathédrale. Le Grand Œuvre du groupe au sens alchimique. Tout est là. Gothique par sa noirceur et sa dimension cachée. Suburbain par sa configuration souterraine et complexe. Pyrotechnique par le savoir-faire de ses maîtres artificiers. Dans ce long morceau épique, le groupe démontre toute son aisance technique, y compris dans son énergie à dynamiter un étonnant registre post progressif où l’œuvre des Doors serait passée au chalumeau.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bravo !!! un plaisir de lire cet article !!!!
youz

Anonyme a dit…

Passionnant!